Pérou, de l’autre côté du miroir

(Du 06/04 au 13/04/2024)

 

Le 6 avril au matin, nous quittons Copacabana et sa plage en bord de lac, ainsi que nos amis, Nicolas et Maude, rencontrés au camping Ecolodge. Il est temps d’aller découvrir l’autre côté du miroir (du lac), et donc de passer au Pérou.
Notre passage de frontière est rapidement expédié : aucun contrôle de nourriture, une simple petite visite de courtoisie intérieure du camion, par pure curiosité. En 20 minutes, tout est bouclé : l’importation temporaire du véhicule (TIP) et les tampons sur nos passeports.
Ca y est, nous entrons au Pérou.

Comme à chaque passage dans un nouveau pays, il nous faut trouver un opérateur pour acheter une carte Sim du pays pour nos téléphones ainsi que de la monnaie locale.
La compagnie Claro fait l’affaire. Mais, nos contrats sont bouclés avec une lenteur désespérante : deux jeunes mamans avec leurs enfants sur les genoux se débattent pour assurer notre inscription.
C’est là que nous retrouvons Nicolas et Maude partis de Copacabana plus de deux heures après nous….

Un passage par la ville de Puno pour faire le plein de provisions nous confirme que ce n’est pas ici qu’il faut nous attarder… trop de monde, un afflux incroyable de touristes attendant de prendre le bateau pour aller visiter les îles flottantes.

Notre choix pour la Casa de Valentin, située de l’autre côté de la baie, sur la péninsule Capachica (où nous nous rendons avec Maude et Nicolas) s’avère être un très bon plan ! Ce petit bout de terre aux allures insulaires nous ravit par son calme et sa proximité du lac.

Pour arriver à la Casa Valentin, nous traversons les villages de Uquisilla et Capachica.
Nous y croisons les habitants de la péninsules et sommes immédiatement frappés par leurs chapeaux d’une grande originalité.
Le grand portique de l’entrée d’un des villages aurait dû pourtant nous intriguer.

 

 

 

 

 

Ici, on vit d’un peu de pêche à la truite, d’agriculture (blés, quinoa, pommes de terres, maîs) et de petit élevage (poules, cochons, moutons et quelques vaches). L’essentiel est surtout pour leur consommation personnelle. Le peu de surplus est vendu.

 

CULTURE de QUINOA

 

 

 

 

Valentin et son épouse sont très accueillants : ils disposent de petites hébergements pour les « backpacker » et d’un terrain surplombant le lac avec une vue magnifique ainsi qu’une jolie plage privée. Nous sommes accueillis par leur lama qui n’a pas du tout l’air effrayé face à notre monstre sur roues.

Nous y passons deux nuits, loin de l’effervescence de Puno.

Maude et Nicolas, originaires de Besançon, nous offrent le repas du soir, préparé avec amour au feu de bois. Nous leur avions offert l’hospitalité deux soirs consécutifs pour leur éviter le froid du soir et la pluie à Copacabana (eh oui, cela arrive). Leur mode de voyage ne leur offre malheureusement pas de refuge pour manger.

 

A notre arrivée, Valentin nous propose un petit bateau pour le lendemain afin que nous puissions aller voir à quatre les îles Uros (îles flottantes) ainsi que l‘île de Taquile. Rendez-vous est aussitôt pris à 8h du matin au petit ponton à côté de la plage.

Quelques gouttes de pluie nous accueillent au petit matin mais ce n’est que de courte durée. Le soleil prend bien vite le dessus et illumine les eaux paisibles du lac.

 

Notre pilote de hors-bord et sa nièce nous emmènent pour l’une des îles flottantes à une bonne heure de navigation de notre point de bivouac. Prévu pour une douzaine de personnes, nous sommes 4 à prendre nos aises sur cette embarcation où tout fait davantage penser à une automobile (volant, sièges, rétroviseurs…).

 

Les îles Uros :

Les îles Uros sont de petites îles flottantes entièrement constituées de « totora », une sorte de joncs poussant sur le lac qui pourvoient à la subsistance de cet habitat flottant.
Ce jonc est utilisé depuis des siècles par les familles Uros et Aymaras pour construire ces îles flottantes selon une méthodologie ancestrale bien particulière, transmise de génération en génération.
Leurs embarcations sont également constituées de totora, même si des barques plus actuelles les remplacent de plus en plus, et servent à la pêche artisanale, à la communication entre les îles ainsi qu’avec la ville de Puno où les enfants sont scolarisés.

 

 

25 personnes vivent sur cette île. A notre arrivée, les femmes nous aident à amarrer le bateau.

Paillote équipée d’un panneau solaire

 

Un habitant prend le temps de nous expliquer comment sont constituées les différentes couches de l’île.

 

Une île a une durée de vie d’environ 20 années et il faut compter environ 2 ans pour sa construction. Elle est constituée de 10 plateaux de 20 m sur 6 m attachés ensemble et soutenus par 8 poteaux en bois d’eucalyptus plantés dans le fond du lac pour éviter que l’île ne dérive.
Les couches de totora sur lesquelles les habitants circulent et vivent doivent être remplacées chaque semaine pour garder sa consistance.

L’île visitée dispose d’un petit point de culture qui leur apporte des pommes de terre. Ils pèchent le poisson du lac et mangent les poules d’eau qu’ils tirent au fusil.

 

 

Des poêles en terre cuite sont utilisés pour cuisiner sans faire brûler le sol végétal.

 

 

Ils vivent également du tourisme en vendant leur artisanat local tout en racontant l’histoire de leurs croyances anciennes.

 

Sur ce tissu, on peut y voir différentes représentations :

  • Pachatata :  ciel, père divin, créateur
  • Tumi : couteau de cérémonie utilisé autrefois pour effectuer des trépanations crâniennes ou la décapitation des prisonniers de guerre (glubs) – Aujourd’hui, il est un symbole qui fait partie du logo de la faculté de médecine. (J’aime mieux ça).
  • Barco del Inca : la barque des Incas
  • Puma del Agua : Le Puma fait partie des trois représentations animales les plus courantes du Pérou à l’époque Inca. Il représente la terre, le condor évoque le ciel tandis que le serpent fait allusion au monde des morts.
  • Pachamama : la terre mère, la terre nourricière

 

ICi SECHENT LE LINGE ET LES FILETS DE PÊCHE

 

On a joué les vrais « toutous » le temps d’une petite demi-heure pour aller couper les joncs avec notre « gondolier » : pas franchement confortable ces embarcations !

 

 

Une partie de ces joncs serait comestible. Nous y avons goûté sans grande conviction.

 

 

 

Même si cela semble très touristique, ces îles ne demeurent pas moins un passage inéluctable pour découvrir la vie des quelques irréductibles du lac Titicaca.

Il faut savoir qu’à l’origine, elles ont été bâties par les Uros au 13ème siècle afin d’échapper à la tribu des Incas.
Poussés par la peur, ils ont commencé à construire des radeaux en totora, roseau connu pour sa grande flottabilité.
Ensuite, ils les ont attachés ensemble. Mais face à la dégradation progressive de la plante, ils ont du rapprocher toutes les embarcations pour former de grands ilots.
Ainsi sont nées les îles flottantes.
Le peuple Uros s’est éteint dans les années 50′, abandonnant leurs archipels de roseaux aux indiens Aymaras qui tentent depuis de perpétuer les traditions tout en faisant du tourisme…

 

 

En route maintenant pour L‘île de Taquile.

Cette île vallonnée que l’on aperçoit au loin, c’est Taquile, un morceau de terre émergeant du lac Titicaca qui mesure 5,5 km de large sur 1,6 km de long maximum. Autant dire qu’elle n’est pas bien grande.
On apprend que, durant la colonisation espagnole, elle servit de prison. Mais depuis 1970, elle appartient aux communautés qui y ont toujours vécu.
Aujourd’hui, quelque 2.200 personnes peupleraient ce bout de terre situé à une quarantaine de km au large de Puno.

 

 

Le petit embarcadère qui nous accueille est tout animé : un bateau arrive… Une étrange effervescence sans cri, sans bruit.

 

Passés le portique d’entrée, nous grimpons vers le village.

 

 

Un des accès à la place principale du village

 

 

 

 

Intérieur de la petite église du village qui semble servir aussi de salle de fêtes.

 

Femme qui file la laine… il parait que certains hommes de ce village la fileraient aussi.

 

Lorsque quelques petits groupes de touristes arrivent sur la place, les gens du village organisent une danse et défilent en habits traditionnels.

 

 

 

Savez-vous combien de couches de tissus comporte la robe de la danseuse confectionnée par ses soins ?
Nous lui avons parlé peu de temps avant sa danse : 14 couches au total pour lui donner ce magnifique mouvement.

 

 

 

 

 

 

Le temps est venu de retrouver notre capitaine de bateau qui nous attend de l’autre côté de l’île. C’est tout bon, ça descend maintenant.
Nous avons aimé le calme et la beauté naturelle de ce petit bout de terre qui offre un cadre de vie assez exceptionnel à ses habitants. La vie a l’air de s’écouler de façon saine et paisible, tel un long fleuve tranquille. Ni route, ni voiture. Juste le temps qui s’étire au rythme des saisons et des cultures qui leur apportent une autonomie alimentaire.

 

Nous quittons définitivement le lac Titicaca deux jours plus tard et prenons la route pour la « Citée Blanche »,
Arequipa, capitale de la région péruvienne du même nom. Elle serait la deuxième ville la plus habitée du Pérou.
Implantée à 2.335 m d’altitude, nous allons faire une chute vertigineuse de quelques 300 m… 😄

Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, Arequipa offre à ses habitants une ville où il fait vraiment bon de vivre, surtout en son coeur historique.
Le charme de la place des armes avec sa cathédrale majestueuse qui pointent ses deux grandes tours vers les astres, sa place joliment arborée où il fait bon de s’assoir, ses ruelles avoisinantes foisonnantes de petits coins agréables pour flâner et se sustenter nous séduisent incontestablement. Il faudrait être difficile pour ne pas se laisser séduire par son coeur.

 

CATHEDRALE d’AREQUIPA située sur la magnifique PLACE des ARMES

 

 

CATHEDRALE Notre-Dame d’Arequipa

 

L’intérieur de la cathédrale ne nous a pas particulièrement marqué. Par contre, nous avons noté que l’orgue actuel (suivant celui qui fut détruit lors du tremblement de terre de 1784) fut commandé par le consul du Pérou en Belgique à Malines et arriva par bateau en mars 1854. Eh oui, c’est du belge !

 

 

 

 

 

PLACE SAN FRANCISCO

 

 

La pierre blanche utilisée pour les constructions des bâtiments de couleur blanc-crème est en Sillar, une pierre blanche volcanique dont les habitants sont très fiers. Il s’agit d’une particularité géologique de la région.

Cette pierre blanche, l’Ignimbrite, appelée plus communément Sillar, remonterait à plus de 100.000 ans et proviendrait des éruptions du volcan Chachani (6.057m) qui se situe aux portes d’Arequipa (ainsi que deux autres volcans) et qui pourrait se réveiller un jour…
La lave émise par le cratère du volcan autrefois couvrit une très grande superficie et alla se déposer dans des cuvettes naturelles de terre où elle se transforma en pierre blanche au cours des milliers d’années qui suivirent.
A l’époque de la colonisation espagnole, vers 1540, le volcan fut exploité pour son souffre et la pierre blanche qu’il produisit fut utilisée pour la construction des maisons des gens aisés, des églises et autres bâtiments importants.

 

 

 

Un des petits joyaux de la ville est le Monasterio de Santa Catarina, un véritable village au coeur de la ville elle-même, sorte de havre de paix, coloré et lumineux, agrémenté de quelques petits espaces verts et de terrasses sur les toits où il devait faire bon vivre même si l’habitat était bien dépouillé.

 

 

 

 

Un petit tour au marché San Camilo, à quelques encablures de la place des Armes, vaut le déplacement. Il s’agit d’un grand marché couvert où nous trouvons notre bonheur pour remplir le frigo.

 

 

 

Si le Sillar reste la pierre blanche symbole de l’architecture de la ville par excellence et que nous avons vraiment apprécié y passer du temps, nous apprenons toutefois qu’un côté obscur se cache derrière la beauté de ces édifices : le travail dans les carrières (dépendant peut-être de la carrière, celle visitée ou non…) est un travail dangereux et l’équipement des travailleurs, qui n’ont souvent pas le choix de faire autre chose pour survivre, est quasi inexistant. Un travail de 10h par jour en plein soleil, sans protection respiratoire, ni de la peau, ni des yeux, dans une poussière qui transforme la carrière en un petit enfer pour percevoir quelques 1,50 Soles /heure, soit 0,38€/h….
Nous regardons, depuis, la ville un peu différemment. avec une autre conscience peu connue visiblement des visiteurs des lieux…

 

De l’autre côté du Rio Chili qui traverse la ville, se trouve un autre lieu que nous prenons le temps d’aller visiter, le Monasterio y Museo de la Recoleta, datant de 1648, initialement géré par l’ordre des franciscains.
Il expose des vestiges archéologiques de la région ainsi que des pièces de l’Amazonie péruvienne (faune et flore).

La bibliothèque nous a particulièrement impressionnée avec des livres originaux de Virgile notamment. Ayant traduit assidument Virgile à l’époque, cela m’a ramenée bien des années en arrière. Un petit brin de nostalgie 😂 .

 

 

 

 

Pour changer totalement de contexte, nous passons voir le musée de l’Alpaca, un petit musée où nous apprenons tout de même la différence de qualité des laines entre celles des guanacos, lamas, alpacas et vigognes. Celle des alpacas serait très recherchée. Celle provenant des bébés alpaca serait plus douce et plus rafinée que celle des adultes alpacas. Mais celle de la vigogne serait la plus onéreuse, probablement du au fait que la vigogne demeure un animal sauvage et que la capture de sa laine relèverait d’un procédé plus difficile…

il y a également deux sortes d’alpaca, l’Huacaya, soit 85% de la population et le Suri (15%) qui se distingue par son poil long et bouclé et une fibre brillante et soyeuse.

 

 

 

 

Arequipa, au-revoir.
A bientôt sur les sommets de la vallée sacrée !

 

 

 

 

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Marcel Moens
Marcel Moens
13 jours il y a

Belles impressions! Notamment le côté moins touristique du lac et ses habitants. Que de merveilleux souvenirs, qui vont tous refaire surface au fur et à mesure des années qui passeront! Bonne route!

Patricia EECKHOUDT
Patricia EECKHOUDT
12 jours il y a

vraiment formidable ce lac titicaca. Merci pour la qualité de vos commentaires, vos recherches historiques et vos photos sublimes. Moments de bonheur.pour tous ceux qui suivent vos péripéties.❤️❤️❤️❤️

rul
rul
12 jours il y a

Magnifique ! Ces couleurs sont sublimes. Quel beau souvenir vous
nous laissez.

x

Marc & Geneviève
10 jours il y a

Très très intéressant et bien illustré. Merci pour les suivants On a tout noté

Annie et Emile
Annie et Emile
3 jours il y a

Comme vous avez l’air détendus et heureux !
Merci pour ce magnifique reportage !
Bisous provençaux

ALCOL
ALCOL
1 jour il y a

Hello les amis,
Bravo et merci encore pour ces photos sublimes.
Après avoir vu et apprécié de nouveau carnet, l’expression « c’est pas le Pérou » est finalement à relativiser dans tous les domaines…
Très intéressant et toujours enrichissant de vous lire et de vous suivre.
Prenez soin de vous et à très bientôt.
Biz à partager
Colette et Alain