Allons faire tchin tchin à Chan Chan
(du 13/6 au 19/06/24)
En quittant la ville de Caraz vers Huaraz, nous en profitons pour faire un dernier petit saut au marché local pour nous approvisionner en fruits et légumes.
Les femmes, habillées de leur chapeau haute-forme à peine posé sur le sommet de leur crâne attendent patiemment le client dans un face à face quasi silencieux.
Certaines semblent trouver le temps plutôt long et pique un petit roupillon la main dans la poche tandis que d’autres s’activent ou dégustent une glace.
Il faut savoir que le Pérou est le pays d’origine du maïs et de la pomme de terre. Il en conserve des dizaines d’espèces différentes qui se déclinent en de multiples tailles et couleurs.
Le Maïs, que l’on voit souvent sécher au soleil sur le bord des routes près des gaz d’échappement et dans la poussière (😳), est présent dans la plupart des plats péruviens.
Mais c’est aussi l’ingrédient de base de la boisson traditionnelle fermentée appelée chicha, offerte autrefois au dieu Inti lors des rituels inca.
« Curieuze neuz » que nous sommes, nous y goutons. On ne peut pas dire que ça nous a franchement conquis (😵💫), tant pis, au risque de vexer Inti…
Sur ces marchés, on trouve énormément de fruits et légumes différents. Les péruviens sont de grands cultivateurs et le moindre petit lopin de terre est souvent travaillé.
Dans les rues ce matin, les touk-touk s’activent particulièrement… un va et vient continu en tous sens qui finit presque par nous donner le tournis.
Question habillement, par ici, on ne se pose pas la question de savoir si aujourd’hui ce sera la jupe ou le pantalon… Un peu de tout fera l’affaire. Un jeu de superposition de couches colorées et on est paré pour la journée !
Les bras chargés de fruits et légumes, nous laissons nos marchandes de Caraz aux chapeaux haute-forme derrière nous et prenons la Ruta 14A à la hauteur de Huaraz pour rejoindre la côte pacifique, une belle traversée des montagnes.
Arrivés Trujillo, nous posons nos 4 roues juste à côté du site de Huaca del Sol et de la Luna, un grand site de la culture Moche ou Mochica.
VUE sur Huaca del Sol, sans fouille archéologique.
Seule Huaca de la Luna est actuellement en cours de fouille et d’étude.
Les archéologues situent ce temple entre 100 avant J.C et 800 après J.C.
Il aurait été transformé à cinq reprises car il présente 5 bâtiments similaires de taille inférieure à chaque fois, superposés les uns sur les autres.
D’après les historiens, les Moches n’essayaient pas de modifier le style architectural de leur temple mais semblaient répéter au fil du temps le même modèle qu’ils considéraient comme sacré.
Les reconstructions périodiques du temple auraient une signification religieuse, probablement liées à un calendrier cérémoniel.
Le Temple à l’origine devait ressembler à ce dessin.
Aujourd’hui, après des siècles d’abandon, il a naturellement une toute autre allure. Mais nous avons beaucoup aimé le découvrir de l’intérieur car il subsiste pas mal de frises colorées en très bon état.
Mais qui étaient donc ces Moches et quels étaient leurs rituels ?
Leur vie dépendait fortement de l’agriculture et des ressources provenant de la mer, des rivières et des forêts sèches.
Leur art représentait bien souvent la nature diversifiée de ces ressources.
Pour pouvoir cultiver, les Moches ont dû récupérer des terres sur le désert. Cela les a amenés à développer des systèmes d’irrigation complexes pour transporter l’eau des rivières locales vers les zones arides. Ils ont ainsi créé une économie capable de produire des excédents utilisés pour subvenir aux besoins de leurs dirigeants, prêtres, administrateurs et artisans.
Ce surplus leur permit d’établir des liens commerciaux avec leurs voisins des hauts plateaux et des régions plus lointaines.
Si on peut leur reconnaître une certaine habilité et finesse artistiques, nous les avons trouvés plutôt barbares, je dirais même plus, carrément moches quand on apprit qu’ils pratiquaient deux formes de sacrifice humain : l’une apparemment liée à la présence d’El Niño et l’autre associée aux conditions climatiques plus courantes.
Le premier rituel visait à rétablir l’ordre tandis que le second cherchait à maintenir l’ordre.
Dans chaque cas, le traitement réservé aux corps des morts était différent mais n’en demeurait pas moins terriblement cruel…
Les marques trouvées sur les os de ceux qui ont été sacrifiés pendant les périodes de pluies intenses indiquent qu’ils ont subis des coups à la tête administrés par des gourdins. Certains ont eu la gorge tranchée tandis que d’autres ont été coupés en morceaux. Quant à leurs corps, ils sont restés dans la boue, exposés à la pluie.
Les os de ceux qui ont été sacrifiés à d’autres moments montrent des signes d’égorgement, après quoi leur chair a été retirée de leurs os. Leurs ossements ont été déposés dans des tombes à proximité du lieu où ils furent sacrifiés.
Ce n’était assurément pas des tendres…
En voyant le ciel s’obscurcir légèrement à l’horizon, on a préféré ne plus trop trainer sur ces lieux de sacrifices humains.
On avait franchement pas envie de se fâcher avec les esprits Moche…
Laissant derrière nous une culture aux moeurs plutôt Moche, le lendemain, nous partons à la découverte du centre historique de la ville de Trujillo.
D’entrée, nous sommes séduits par la luminosité et les couleurs vives de sa place centrale. Même la cathédrale est parée d’un jaune éclatant. Dommage que le bleu du ciel intense habituel ne soit pas au rendez-vous, caché derrière la pâleur de nuages, heureusement sans menace.
De style colonial baroque et républicain classique, elle affiche de petites touches quelque peu mauresques.
Au coeur de la place trône la statue de la liberté.
La première statue représente un homme à la tête baissée. Elle évoque un sentiment d’oppression (esclavage).
La seconde jette ses bras vers l’arrière. Elle représente la lutte pour l’émancipation.
Quant à la troisième, elle montre un homme aux deux poings levés, ce qui symbolise la libération.
La ville de Tujillo a gagné son indépendance le 29 décembre 1820.
Sur la place, la fête bat son plein : un concours entre différents orchestres de la région anime gaiment les lieux.
Nous voilà rassurés… Les flics veillent !
La partie ancienne de la ville n’est pas très étendue. Tout se situe autour de la place principale et s’étend à quelques rues avoisinantes.
Nous retournons à notre bivouac derrière Huaca du Soleil, situé dans le jardin d’une charmante dame qui fait aussi restaurant à ses heures.
Le lendemain, nous avons rendez-vous avec Chan Chan. Ce n’est évidemment pas la chanson cubaine Chan Chan du groupe Buena Vista Social Club (bien qu’elle soit plaisante), mais pour aller voir si les Chimus sont autant les rois du gourdins que les Moches et visiter ainsi le dernier site archéologique précolombien de la région de la Libertad, situé à quelques 5 km à l’ouest de la ville de Trujillo.
Chan Chan :
Citée de terre crue la plus grande d’Amérique, sortie du sol entre 850 et 1470, la capitale du royaume Chimú regroupe dix citadelles fortifiées dont les rues et couloirs étroits débouchent sur de grandes places et pyramides tronquées.
Elle couvre une étendue totale de 20 km2.
Incroyable témoignage du règne oublié d’un peuple particulièrement sophistiqué, dominé malheureusement par les Incas, le royaume de Chimor comptait, à son apogée jusqu’à 30.000 habitants.
On retrouve encore aujourd’hui les traces de la sophistication de ce peuple dans la magnifique décoration de ses murs en adobe et ses formes géométriques et figuratives.
Ce mur représente une partie d’un calendrier annuel. Les six premiers mois de l’année, le courant va dans un sens, les six suivants, le courant étant inversé, le mouvement des poissons l’est également.
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Chan Chan abritait une civilisation animiste dont les cultes étaient particulièrement voués aux divinités et aux créatures marines en raison de sa fenêtre sur la mer.
Une grande partie de son abondance provenant de l’océan Pacifique, la cité de Chan Chan le lui rendait visiblement bien en ornant ses murs de nombreux poissons, pélicans et filets de pêche.
Les rois successifs disposèrent de palais, les aristocrates de bâtisses intermédiaires, la classe moyenne d’ateliers et le peuple d’habitation plus exiguës. Chaque quartier, chaque maison raconte comment le peuple Chimu était régis par des interactions sociales complexes et probablement très civilisé.
C’est ici que nous quittons le peuple de l’océan pour partir à la rencontre du peuple des nuages. La route est longue et très étroite par endroit mais peu nous importe. On nous a confirmé que notre monstre passerait partout.
Nous faisons donc route plein Est, vers la ville de Cajamarca où nous nous posons deux jours sur le grand terrain del Patron, grand terrain avec cuisine extérieure non loin du centre, en taxi, et du petit aéroport de Cajamarca.
Cajamarca :
Très animé, le coeur de Cajamarca est plaisant, surtout aux alentours de sa place principale et de ses piétonniers.
Des artistes en tous genres, peintres comme sculpteurs, se côtoient sur les placettes au soleil.
Nous allons à la rencontre d’un incroyable fabriquant de flûtes en bois très spéciales qui nous joue un joli morceau de musique péruvienne pour nous faire entendre la différence de sonorité des flûtes selon leur taille. Nous sommes très tentés de lui acheter l’un de ses petits bijoux travaillé tout en bois mais après maints essais et de nombreux fous rires, il s’avère que nous n’avons pas du tout la technique pour sortir ne fut-ce qu’un petit son de cette flûte enchantée.
A première vue, cela semble pourtant simple. Eh bien non. Il faut se faire à l’idée que nous ne deviendrons jamais flûtistes en herbes de flûte péruvienne !
Cajamarca est connue aussi pour être la ville où se rencontrèrent jadis deux mondes : celui des conquistadors espagnols et celui de l’empire Inca.
El Cuarto del rescate serait la fameuse « salle de sauvetage » où l’Inca Atahualpa, prisonnier des espagnols, aurait convenu avec Pizarro (Espagnol) d’acheter sa liberté en remplissant la salle de pièces d’or et en doublant sa capacité avec des pièces d’argent, dans un délai de deux mois. Une fois le pacte conclu, Pizarro aurait donné sa parole mais l’histoire raconte qu’après avoir obtenu le trésor promis (5.529,29 kg d’or fin 22 carats et 11.041 kg d’argent pur), il n’a hélas pas rempli sa part de marché. Il a fait exécuté l’Inca, pillé tous ses entrepôts et profané les centres de cultes qui auraient ainsi quadruplé le trésor collecté à Cajamarca.
On n’a pas toujours croisé la route de tendres peuplades anciennes mais nos conquistadors espagnols étaient loin d’être des saints…
En quittant Cajamarca, nous passons par Ventanillas de Otuzco, un site funéraire archéologique situé à 2.850 m d’altitude. Construit sur la colline de Llanguil, il s’étend sur 1600 m2 et est constitué d’une multitude de petites niches creusées dans la roche volcanique dominant le paysage environnant de manière panoramique.
Cette caractéristique était apparemment très importante pour la construction de cimetières à l’époque préhispanique car ils croyaient que les personnes décédées devenaient des ancêtres protecteurs.
Ces sites funéraires, caractéristique de la culture Cajamarca, sont apparemment très répandus dans la région.
Nous quittons le monde des morts et poursuivons jusqu’à Célendin.
La route 8 est celle qui nous mènera, après bien des passages étroits, sinueux et abrupts, jusqu’au peuple des nuages, les fameux Chachapoyas.
Alors, à tout bientôt chez des toits pointus.
Encore un reportage exceptionnel, j’adore le Pérou.
Dommage que le temps passe si vite et que je n’aurai pas le temps dans ma vie de faire toutesvos découvertes
Bravo une fois de plus aux deux artistes
Claire et Paul
Nous en apprenons des choses grâce à votre périple !
C’est vachement intéressant. j’aime bien les chapeaux haut de forme…….quel succès on aurait ici.
Encore bonne route et gros bisous.
les Ruls
Hello les amis,
Le Pérou, finalement on aime bien surtout grâce à vous…
Alors bravo et merci pour ce nouveau carnet de voyage.
L’Histoire et la Géo deviennent passionnantes en vous suivant régulièrement…
Biz à partager
Colette et Alain
Les couleurs sont splendides! J’adore le chapeau haut de forme pour aller au marché, quelle élégance! Merci pour vos partages toujours intéressants, éclairants et passionnants. Un abrazo muy fuerte!