L’Alaska, terre du « bout du monde » (partie 2)
La route, qui mène au village McCarthy et à l’ancienne mine de cuivre de Kennecott, traverse le Parc National de Wrangell-St. Elias, situé au sud de l’Alaska.
Noté au patrimoine mondial de l’Unesco, ce parc national est le plus grand des USA avec une superficie de plus de 53.000 km2. Il y cache en son coeur le deuxième plus grand sommet du pays entre autre, le Mont Saint-Elie (5.489m) et abrite pas moins de 60% de la surface glacière de l’Alaska.
Ici, 300 km de piste au travers d’une forêt dense et souvent impénétrable nous séparent du point à atteindre.
Après une petite heure de route, un long pont se présente devant nous, à peine plus large que le camion. Il surplombe un canyon abrupte mais sa construction nous semble bien solide.
Allons-y !
Ici, debout dans les courants, des pêcheurs se baladent avec un long manche métallique comportant d’un côté, un gros filet et de l’autre, un contre-poids.
A peine plus loin, quelques téméraires, installés au bord de la rivière, ont du être sacrément surpris par la montée des eaux et la force des courants…
Après s’être approvisionné au petit village de Chitina où se niche un très ancien hôtel, et fait un brin de causette avec quelques locaux, nous longeons des lacs, traversons des rivières et des bois de sapins à perte de vue pour atteindre enfin le bout de la piste.
Mais, nous ne sommes pas encore au village de McCarthy.
Seuls, les résidents peuvent emprunter un petit pont privé pour y accéder. Les autres doivent attendre la navette qui passe de l’autre côté de la rivière ou marcher une quinzaine de minutes.
Mc Carty, Alaska :
Ce village, qui compte aujourd’hui quelques dizaines d’habitants à l’année, connu sa période de gloire dans les années 1900 lorsque la mine était en pleine exploitation. Toute boisson alcoolisée étant interdite sur le site minier, ainsi que toute forme de prostitution. McCarthy était l’endroit par excellence où venaient se distraire les mineurs. A l’époque, elle disposait même d’une école et d’un hôpital. Il existait aussi une ligne ferroviaire, la Copper River, active entre 1911 et 1938.
L’ancienne mine de cuivre se situe environ 11 km plus haut. Plein d’enthousiasmes, nous les grimpons à vélo. Cela fait longtemps que nous n’avons pas dérouillé nos gambettes sur un pédalier et nous nous sentons des ailes.
Soudain, au détour d’un chemin, pointé vers le ciel et accroché à la montagne, surgit un très ancien bâtiment plutôt étonnant datant du début du 18ème siècle. Il s’agit de la face émergée de la fameuse mine. Toute en bois, d’un rouge délavé par le temps, elle est presque belle dans de ce paysage teinté de vert et de gris.
Le gris, vous ne le voyez pas encore.
A mesure que nous progressons sur le site, nous prenons conscience de la rudesse de la vie qu’ont dû connaître ces familles de mineurs du début de ce siècle, l’isolement et le climat venant alourdir la facture…
Le site traversé, nous poursuivons notre grimpette vers le Kennecott Glacier. Mais, à un moment donné, la piste devient tellement étroite et chaotique que nous sommes obligés d’abandonner nos vélos dans un coin pour poursuivre notre ascension à pied.
Le gris dont je vous parlais, le voici. Il est présent depuis la rivière jusqu’à la blancheur visible du glacier.
Au départ, nous pensions, bien naïvement, qu’il s’agissait de restes rocheux issus des extractions de la mine… En réalité, nous longions déjà le glacier, long de 43 km,
depuis la rivière située dans le bas.
En réalité, des mouvements terrestres, survenus au fil du temps, ont recouvert progressivement le glacier de sédiments. Ceci explique pourquoi le glacier ne se présente pas sous sa couleur « originelle » dans sa partie basse.
Plus haut, tandis que certains se lancent dans l’ascension d’une paroi de glace, d’autres trouvent, aux alentours de ce milieu gelé, de quoi affronter le prochain l’hiver.
Ce n’est pas franchement évident de marcher sur un glacier si vous ne disposez pas de crampons et c’est assurément dangereux en raison des nombreuses crevasses dans lesquelles vous pouvez glisser.
Je m’y suis aventurée mais pas bien longtemps. Là où le glacier est recouvert de sédiment, ça passe, mais ailleurs, c’est sûr, ça casse !
De temps à autre, le glacier « émet » quelques grondements presque sourds, parfois plus aigus, comme s’il gémissait de se craqueler… Mais oui, il vit !
A la descente, nous filons droit sur le village de Kennecott pour un délicieux petit plat local bio qui nous goutera super bien après cette petite journée de vélo et de marche.
Ce n’est pas toujours évident de décider des routes à prendre sur cet immense territoire du nord et, à moins d’avaler les kilomètres à coup de milliers, il est difficile de tout voir car les distances entre les différents points sont immenses. En outre, certains guides (pourtant européens) ont l’art de vendre leurs marchandises et de vous attirer dans un affreux traquenard !
On s’est dit à plusieurs reprises : Tout ça pour ça ?!!!
Les prévisions météo n’étant pas au beau fixe pour les jours à venir, les incendies faisant rage autour de nous et une certaine déception naissante par rapport à cette partie du bout du monde nous décident finalement à tourner les talons et à mettre le cap définitivement au sud.
Nous n’irons donc pas jusqu’en-dessous d’Anchorage, dans la baie en face de Valdez, près de Homer, ni jusqu’au Denali National Park !
Pour le Denali, qui signifie « le haut » dans la langue athapascane, nous n’étions déjà pas fort motivés au départ car nous avions appris qu’il était impossible de le visiter par ses propres moyens de locomotion et l’idée de le parcourir en autocar ne nous séduisait pas du tout. Certes, on aurait pu peut-être en faire quelques portions en vélo… Mais là, la météo ne jouait pas du tout en notre faveur. Finalement, ce fut sans regret car nous apprenons quelques jours plus tard, par le biais d’autres voyageurs, qu’une bonne partie du parc était bel et bien dans le brouillard et la pluie, cette semaine-là et qu’il était impossible de voir le sommet du fameux mont McKinley.😓 – Sans regret.
Nous redescendons progressivement vers le sud, passant alternativement les frontières canadiennes du Yukon et celles, américaines, de l’Alaska : en effet, l’Alaska s’étire aussi en une fine et longue bande de terre, sur le côté ouest du Yukon et de la Colombie britannique.
Les villages que nous traversons sont souvent rudimentaires,
et ceux des descendants des natifs, tristes et peu soignés, avec des carcasses en tout genre autour de leurs maisons.
Les couleurs d’un petit cimetière indien attire toutefois notre attention.
Le Kluane NP, situé sur notre route, mais en territoire canadien, est réellement magnifique et lui aussi, classé au patrimoine mondiale de l’Unesco.
Ses peuplements fauniques sont d’une grande richesse, comme les Grizzlis et les mouflons de Dall, et il rassemble, paraît-il, des espèces végétales rares. J’avoue n’avoir aucun talent de botaniste, mais je peux vous assurer que cet endroit restera marqué dans notre mémoire et nous n’en n’avons vu qu’une infime partie. D’après la Ranger avec qui nous avons parlé, on y trouve aussi le plus grand champ de glace non polaire du monde et certains des glaciers les plus spectaculaires.
Nous y passons une belle nuit au bord d’un de ses lacs immenses où nous croisons le chemin d’une maman grizzly avec ses deux petits. Le lendemain, nous prenons le temps d’un superbe trek dans ce décor grandiose.
Nous partageons aussi une chouette soirée en compagnie d’un jeune couple de voyageurs suisses francophones qui nous décideront plus tard, nous n’en sommes pas encore certains à ce moment-là, à mettre le camion sur le ferry allant de Prince Rupert à Port Hardy, au nord de l’île de Vancouver.
Sur la route vers Haines, nous passons à côté d’un petit village indien, du nom de Klukshu. Le village semble désert, aucune âme qui vive, aucune voiture, mais il paraît pourtant entretenu.
Ne ne saurons jamais vraiment s’il est toujours habité…
La route qui nous conduit à nouveau à la frontière de l’Alaska, plus précisément à la petite ville de Haines, est vraiment très belle. Dommage que le temps soit plutôt à la pluie et les nuages, bien chargés lors des accalmies…
Sur la petite carte de l’Alaska du poste frontière, nous nous situons sur le premier quart de cette longue bande étroite située à l’ouest.
La petite ville de Haines ne présente vraiment aucun intérêt pour nous si ce n’est que son port est le point de départ du ferry menant à Skagway. Toutefois, tout au bout de sa vallée se trouve un très beau lac autour duquel nous patientons dans l’attente de notre bateau prévu pour le lendemain matin.
La rivière qui mène au lac est apparemment bien connue des locaux qui savent que les ours viennent y pêcher le saumon. Mais, il est encore trop tôt dans la saison pour que nous puissions assister à cette scène saisonnière.
Ce module étonnant, simple mais intelligemment pensé, est un « pêcheur à saumon » : deux gros bacs en filet tournent sur un axe et viennent remplir un bac immergé, via le sac vert, du fruit de leur récolte. Finalement, cela nous convient bien mieux que la canne à pêche ! Serait-on quelque peu paresseux ???
Le lendemain matin, levés de bonne heure, nous embarquons sur le premier ferry. La liaison avec Skagway, situé à l’autre extrémité du Fjord, dure une bonne heure. Mais, le temps passe bien vite car le camion, qui n’est pas passé inaperçu aux yeux de certains passagers, est à nouveau l’objet de questionnements.
Skagway :
Cette petite ville d’Alaska, qui signifie « ville du vent » dans la langue autochtone locale, a construit sa renommée au moment de la grande ruée vers l’or sur la route du Klondike.
Elle est malheureusement horriblement touristique. Les bateaux de croisières que vous voyez ci-dessus, « vomissent » chaque jour, chacun, plusieurs milliers de passagers, à l’affût d’un peu de shopping. Eh non, je n’exagère vraiment pas ! Nous n’avons pas compté le nombre de magasins de bijoux vendant les mêmes productions soi-disant locales, mais c’était hallucinant ! Seul un petit magasin de coin, mettant en valeur les talents artisanaux d’un couple de Skagway, attira notre attention. Dommage que leurs prix n’étaient pas à la hauteur de nos priorités…
Une fois que l’heure du repas du soir sonne sur les bateaux de croisière, les rues deviennent littéralement désertes. Vous avez les rues de Skagway rien que pour vous !
Mais, si Skagway est si touristique aujourd’hui, ce n’est pas seulement parce qu’elle constitue une étape populaire de ces monstres flottants…
C’est aussi parce qu’elle se situe sur la route de la grande épopée des chercheurs d’or qui, animés par une véritable hystérie collective, laissèrent tout derrière eux pour partir vers le Klondike comme prospecteurs.
Sur leur route, ils durent choisir entre deux itinéraires possibles pour atteindre les nouvelles régions aurifères du nord du Yukon et de l’Alaska : le col de la White Pass ou celui du Chilkoot, pour descendre ensuite les cours d’eau jusqu’au klondike.
Un petit musée ainsi qu’un film d’époque vous relatent cette histoire incroyable, à une époque où l’on ne disposait absolument pas des technologies et des matériaux actuels pour affronter les éléments naturels difficiles, tels que la neige, le froid, la vie sauvage et le manque de nourriture. Si 100.000 personnes environ se sont lancées dans cette folle aventure, seule une trentaine de milles est arrivée à bon port. Quant à ceux qui y auraient fait fortune ou auraient découvert quelques filons aurifères, il ne se limite plus qu’à quelques milliers…
A cette époque, ceux qui s’enrichirent « facilement » sont ceux qui investirent dans la construction de logements, de bars et de restaurants, ou de matériaux indispensables à la quête des aventuriers tels que des caisses de transport, des traineaux… Certaines essayèrent de s’en sortir par la biais de la prostitution mais la plupart d’entre elles subirent davantage qu’elles ne s’enrichirent.
Peu avant de quitter Skagway, nous faisons une belle rencontre, celle d’une famille chaleureuse mexicaine avec deux enfants. On se quitte en espérant se revoir au Mexique, mais nous ignorons si notre route passera par leur village… En tous les cas, une chose est sûre : j’ai encore un sacré bout de chemin à faire avant de parler aisément espagnol ! Faut dire que je manque cruellement de pratique dans ce pays anglophone… Alors, au travail, ma cocotte !
Une petite halte de deux jours dans la nature, sur les hauteurs de Skagway, nous permet de retrouver une paix totale après l’effervescence de cette petite citée trop fréquentée à notre goût.
Puis, nous empruntons la seule route possible, passant par Carcross côté Yukon, pour quitter définitivement les territoires de l’Alaska et redescendre vers le sud.
Le fameux col de la White Pass est plongé dans le brouillard mais les paysages qui se succèdent jusqu’à la frontière du Yukon sont de toute beauté. Il semble être restés intacts depuis la nuit des temps où ils furent créés.
Voici que nous quittons, cette fois pour de bon, l’Alaska, après avoir traversé à cinq reprises ses frontières.
Nous ne vous avons pas complètement compté notre histoire, notre route « alaskaïenne » (cela fait presque penser à Kafkaïenne).
Ce serait trop long. Et, nous souhaitions partager avec vous plutôt les images agréables que nous en garderons.
Cette région du bout du monde nous laisse quelque peu méditatifs… Tant de kilomètres parcourus, et pourquoi… ?
Cet état, délaissé des Américains, nous semble bien triste et, souvent, dans un triste état.
Si ses parcs nationaux, ses immensités glacières et ses mers poissonneuses offrent du plaisir aux amateurs de nature et de randonnées que nous sommes ou aux pêcheurs que nous ne sommes pas, l’Alaska nous laisse étrangement, au fin fond de nous, un certain goût amer…
Beaucoup trop de kilomètres avalés pour voir :
des villages sans âme, aux installations sommaires et peu soignées, où l’approvisionnement est souvent digne des magasins russes en temps de guerre, (hormis dans les grandes villes sans charme);
de nombreux bâtiments laissés à l’abandon le long des routes, envahis par la végétation et les déchets;
d’infinies forêts de pins, noires, impénétrables et infestées de moustiques dans lesquelles il est impossible de marcher sans se faire dévorer et où l’impression de manquer d’air est constante tant la vue est bouchée.
Et puis, il y a aussi ce sentiment récurrent, celui de côtoyer des lieux où tout n’est que survie, sans aucun attrait culinaire, sauf peut-être (et encore) sur les circuits touristiques des bateaux de croisière où tout sonne étrangement faux et creux…
Peut-être sommes-nous un peu durs avec toi, Alaska. Certains voyageurs ont su t’apprécier… Toutefois, nous en avons croisés beaucoup que tu as, tout comme nous, bien déçus.
Alors, bien sûr, il y a tes côtes, celles du bout du bout, du grand « paradis blanc » que nous ne connaissons pas et que seuls bateaux et hydravions peuvent atteindre…
Nous nous contenterons de les admirer au travers de merveilleux documentaires car nous ne reviendrons pas.
L’austérité de ta vie contraste trop étrangement avec la blancheur lumineuse de tes étendues glacières.
Nous n’aurons aucun regret, ni celui de ne pas t’avoir découverte, ni celui de te quitter.
Au revoir Alaska, re-bonjour Canada.
Bien sûr, il y a de quoi être déçu, mais c’est quand même la découverte. Bon voyage vers le sud!
Bien au chaud sous ma couette un dimanche matin, n’ayant pas avalé des milliers de km, je lis votre aventure « Alaska ». J’en retiens que les âmes sont rares, que le blanc domine, que les cimetières sont colorés et que votre retour d’expérience me fascine toujours… À bientôt les amis et bizette de Bruxelles
Que de découvertes … même si vous êtes un peu déçus par l’Alaska … Que d’émotions visuelles ou autres (glaciers, crevasses, grizzlis, ..), que de belles photos et des souvenirs pour remplir vos mémoires !… Je vous suis toujours avec un intérêt très passionné …. même si je n’ai pas toujours le temps de mettre un commentaire ! Ici (Corrèze), il commence à faire frais la nuit … et la pluie (saluée par Dame Nature qui en avait bien besoin) n’est pas très agréable pour mes fleurs ni pour ma Kia … ni pour moi ! Jean-Loup continue sa chimio… Lire la suite »